Dans mon précédent post sur la condition des Noirs aux Etats-Unis, j'ai délibérément
refuser de faire un parallèle avec la France et j'ai sciemment refusé de comparer la mort
tragique de Georges Floyd avec celle d'Adama Traore. Mais je savais que journalistes,
associations engagées, groupuscules idéologiques et agitateurs des réseaux sociaux se
chargeraient de la besogne afin d'alimenter le buzz et de servir leur cause.
Au risque de paraître péremptoire et afin de traiter de manière rigoureuse le sujet de ce
post, je voudrais d'emblée indiquer que le parallèle fait entre ces deux affaires n'est pas
pertinent pour plusieurs raisons :
• une première raison factuelle : si ces deux victimes sont mortes à l'occasion d'une
interpellation policière, les circonstances de cette interpellation diffèrent dans chacun
des cas
• la mort de Georges Floyd a été filmée par un témoin alors que pour Adama Traoré, les
circonstances exactes de sa mort font encore l'objet, à l'heure de ces lignes,
d'investigations judiciaires (auditions des gendarmes, de témoins, expertises médicales)
• la société américaine n'est pas la société française et vouloir importer des Etats-Unis, la
problématique multiculturelle vue d'un point de vue racialiste, autrement dit considérer
qu'il y existe en France une guerre des Blancs contre les Noirs (ou autres personnes
racisées), relève de la démagogie
• aux Etats Unis, à la tête de l’Etat il y a un président qui soutient ouvertement des
mouvements racistes et qui se dit président de l'ordre, sachant que la notion de l’ordre a
abouti à ce que la police tue plus de 1000 personnes par an, parmi lesquelles 23% d'afro-
américains ! Nous n'en sommes heureusement pas là en France.
Donc, exit les Etats-Unis et focus sur la France où l'affaire Adama Traoré, (du nom de ce
jeune Noir de 24 ans décédé en 2016 dans une gendarmerie de l'Oise, après une
intervention musclée des gendarmes) est devenue emblématique des violences policières dans ce pays.
J'ai publié, en introduction, de nombreux liens et commentaires sur cette affaire en
m'attachant à faire ressortir des analyses et sensibilités différentes (Figaro, France Inter, Le Monde, le Parisien). Si vous voulez avoir plus de précisions sur les faits et l'enquête, vous devrez vous y reporter car je n'écrirai rien sur le sujet dans ce post...
Pourquoi ? Tout simplement parce que je suis un citoyen et homme de loi, respectueux du fonctionnement institutionnel de notre pays.
Beaucoup de gens l'ont oublié ou font semblant de l'avoir oublié, mais une instruction
judiciaire est en cours auprès de magistrats du tribunal judiciaire de Paris.
La justice devrait pouvoir faire son travail d'investigation dans un climat apaisé et rendre
ses conclusions publiques à l'occasion d'un procès ou d'une communication officielle du
Procureur de la République si un non-lieu ( c'est à dire pas de charges suffisantes retenues contre les gendarmes) était prononcé.
Je suis toujours abasourdi, meurtri de voir les médias, les consultants en tout genre,
certains politiques, la foule, les associations, les comités de soutien, les familles, s'ériger
en tribunal d'opinion et piétiner en toute subjectivité le travail de la Justice, qui est
pourtant un pilier de la démocratie.
Le principe du secret de l'instruction est bafoué à tour de bras sans que cela n'émeuve
personne !
Mais si je suis touché en mon for intérieur par cette dérive du tribunal médiatique, je suis
dans le même temps en colère contre nos dirigeants qui depuis des années entretiennent et encouragent par leur inertie, ce soulèvement des gens contre leurs institutions.
Car le problème est bien là : il s'agit d'une crise de défiance extrême contre la police et la justice qui s'ajoute à un rejet du politique.
Beaucoup de nos concitoyens ne croient plus aujourd'hui dans leurs policiers et dans leurs magistrats qui sont censés rendre la justice au nom du peuple français.
Pire, certains entretiennent l'idée que la police serait intrinsèquement violente, au-delà bien sûr de la fameuse violence légitime dont l’Etat serait dépositaire, selon Max Weber. Ces personnes pensent que la police ne serait que le bras armé d’un système de domination. De même, pensent-ils que la police serait par nature, raciste, qu'elle servirait les blancs dominants, privilégiés de ce système, et martyriseraient les autres, dits ‘racisés’, les dominés.
Je ne suis pas d'accord avec cette théorie qui revient à nier tout idée de responsabilité individuelle. Toutefois, je comprends que des personnes puissent en arriver
à de telles croyances tant notre système est dans le déni d'une réalité pourtant bien
existante.
Oui, en France, il existe des violences policières et du racisme policier !
J'attire votre attention sur la sémantique : je ne conteste pas LES violences policières ni
UN racisme policier, en revanche je réfute LA violence policière et LE racisme policier.
Cette nuance subtile est primordiale car il n'existe pas en France, selon moi, de racisme
systémique : la police n'est pas violente ou raciste parce qu’elle est la police, mais il y a au sein de la police des dérives récurrentes, voire quasi permanentes.
La thèse d'un racisme institutionnel ne tient pas malgré ses défenseurs qui font partie du
cortège des manifestants des derniers jours.
Dire que le racisme est détachable des individus pour être le fait d’une institution ou d’un
système ne me paraît pas correspondre à la réalité.
En revanche, ce qui se rapproche plus de la réalité, est la persistance d'un système de
discriminations sociales auquel la police est partie prenante, notamment au travers des
contrôles d'identité sur lesquels je reviendrai plus tard.
D'un côté l'histoire de la police reste fortement marquée par la guerre d’Algérie et la
chasse aux travailleurs d’Afrique du Nord, avec l'existence d'une police d'exception pour
les Algériens dans les années50 qui dépendait de la Préfecture de Police de Paris tandis
que notre organisation économique et sociale depuis plus d'un demi-siècle fait que la
jeunesse masculine sans diplôme, occupant l’espace public, est principalement formée de descendants de l’immigration post-coloniale.
La conjonction de ces deux facteurs historiques explique en partie la situation actuelle et
l'existence d'inégalités et discriminations structurelles.
Par conséquent discriminations systémiques oui mais racisme ou violence systémique non !
Mais alors, qu'es-ce qui me permet de proférer de telles affirmations sur les violences
policières et un racisme policier, en dehors de mon expérience professionnelle d'homme de loi ?
– d'abord, les vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux et qui, sous réserve des
conclusions des enquêtes judiciaires en cours, attestent de comportements racistes
et/ou violents de policiers : je pense aux insultes proférées par des policiers utilisant
des termes à caractère raciste comme « bicot » ou « bougnoule » capturés par un
habitant de l'Île Saint-Denis dans le 93 fin avril 2020 ou encore au film de
l'interpellation d'un livreur en scooter le 3 janvier 2020 à Paris qui a abouti à sa mort
par asphyxie avec fracture du larynx
– ensuite deux affaires ultra médiatisées qui défraient actuellement la chronique, et
qui là encore, sous réserve des investigations de la justice en cours, laissent
apparaître de manière factuelle des comportements racistes.
Je pense là aux six policiers de Rouen, mis en cause en décembre 2019 pour des
propos racistes échangés en privé sur la messagerie WhatsApp qui ont été renvoyés
en conseil de discipline à la suite d’une enquête disciplinaire. Ils ont été dénoncés
dans la plainte d’un autre collègue policier noir, affecté à l’unité d’assistance
administrative et judiciaire,après qu’il a découvert être la cible de propos racistes de
leur part. Une enquête préliminaire a été ouverte et confiée à l’IGPN (inspection
générale de la police nationale, police des polices) pour diverses infractions,
notamment diffamation non publique aggravée et provocation non publique à la
discrimination.
Je vous renvoie en outre à ce que j'ai découvert avec effroi hier grâce au site
d'information StreetPress qui a révélé l’existence du groupe « TN Rabiot Police
Officiel », présenté comme un espace de discussion réservé aux forces de l’ordre et
qui comprendrait 8 000 membres. Selon le site d’information, de très nombreux
messages haineux y sont échangés entre participants. Des captures d’écran montrent
ainsi des diatribes tournant en dérision la mort de jeunes hommes au guidon de leur
motocross ou insultant la chanteuse Camélia Jordana qui a récemment dénoncé les
violences policières.
Le contenu est abject, puant, vomitif et tend à objectiver ce racisme haineux que
dénoncent tant de jeunes de banlieues.
Le parquet de Paris a d'ailleurs décidé l’ouverture d’une enquête préliminaire
pour « injure publique à caractère raciste » et « provocation publique à la haine
raciale ».
– enfin je me réfère aux observation produites le 12 mai 2020 devant le Tribunal
Judiciaire de Paris par le Défenseur des Droits, Autorité Administrative
Indépendante (actuellement incarnée par Jacques Toubon) dans une affaire
relative à des violences policières sur des jeunes garçons et filles âgés de 13 à
21 ans, aux discriminations qu’ont subies ces 18 habitants noirs et d’origine
maghrébine du 12ème arrondissement de la capitale, entre l’été 2013 et l’été
2015.
A propos des policiers du groupe de sécurité de quartier rattachés au
commissariat du secteur, le Défenseur des droits évoque une situation
de « harcèlement discriminatoire » définie comme le « cumul des pratiques et
stéréotypes qui visent des groupes de personnes dans leur globalité ». En d'autres termes, les policiers sont accusés de contrôles d’identité abusifs et répétés sur des
jeunes qu’ils qualifiaient « d’indésirables » dans le registre des mains courantes.
De leur côté, les plaignants rapportent non seulement des insultes ( « sale noir »,
« connard », « libanais de merde », « chien », « babine de pneus ») mais aussi
des palpations pouvant s’apparenter à des agressions sexuelles ainsi que des
passages à tabac réguliers.
Le Défenseur des droits souligne que les contrôles d’identité opérés sur ordre
hiérarchique et demandant aux personnes visées de quitter les lieux pour mettre
fin à des « nuisances, tapages, salissures ou à la consommation de stupéfiants » −
ciblaient « toujours les mêmes jeunes ». Les motifs du contrôle
semblaient « souvent sortir du cadre légal », ajoute-t-il, tout comme les
nombreuses palpations, fouilles et conduites au commissariat.
A priori, et dans la plupart des cas, une fois au poste,aucune vérification
d’identité n’avait lieu. En tout état de cause, les procès-verbaux qui auraient
permis d’attester de la procédure n’étaient pas dressés, empêchant tout contrôle a
posteriori du Procureur sur les interventions des forces de l’ordre. Je précise que
trois des policiers visés ont été condamnés à cinq mois de prison avec sursis pour
des faits de violences en avril 2018 et ont fait appel. Une seconde procédure
visant à engager la responsabilité de l’Etat pour faute grave est en cours au civil.
Je termine cette référence au Défenseur des Droits, en indiquant que selon ce
dernier, si aucun élément objectif justifiant ces comportements n'est apportée par
le Ministère de l'Intérieur, ils devront « être regardés comme constitutifs de
discrimination directe, indirecte, systémique et de harcèlement en raison de
l’origine des plaignants, que l’Etat doit être en mesure de faire cesser et de
réparer ».
Au regard de ces références, qui peut aujourd'hui oser nier la réalité de violences policières ou d'un racisme policier ?
Pourquoi le gouvernement refuse ces deux expressions et en fait un tabou qui exaspère les victimes et entretient la défiance citoyenne ? Pourquoi faire semblant de ne pas voir ce qui ressort de l'évidence ? Pourquoi rester dans un certain déni qui suscite suspicion, peur dans la population et instrumentalisation victimaire par certaines personnes mal intentionnées ?
Je suis dépité par la communication officielle du gouvernement et de la Direction de la
Police Nationale qui se résume à défendre la police « qui protège dans ce pays les femmes et les hommes de tout, y compris du racisme » ou à brandir les chiffres de 2019, indiquant que sur les 1 500 enquêtes dont a été saisie l’inspection générale de la police nationale, une trentaine seulement concernait du racisme ou de la discrimination .
C'est tellement contre-productif et dangereux : non seulement cela tend à aggraver l'idée d'une « fracture raciale » déjà matérialisée par les ghettos urbains, mais cela conforte aussi beaucoup de jeunes dans leur croyance d'un racisme institutionnalisé, comme ont d'ailleurs pu le démontrer, lors de la manifestation de 20.000 personnes sur le parvis du palais de justice de Paris, les insultes de « vendu » lancées par certains manifestants contre un policier noir.
Les banlieues sont susceptibles de s'enflammer comme une trainée de poudre si nos
dirigeants ne réagissent pas et ne dispensent pas dans un premier temps un message clair condamnant les dérives policières constatées.
Mais ce n'est pas suffisant, il faut prendre d'autres mesures à court terme pour éviter un
embrasement sur le modèle américain.
Sur le plan légal, il faut impérativement régler le problème principal relatif à la pratique
déviante du contrôle d'identité en France. C'est ce que l'on appelle « le contrôle au
faciès » qui gangrène les relations entre la police et nos concitoyens issus de l'immigration.
La France est le pays d'Europe qui contrôle le plus les identités et dans lequel s'est
répandue la pratique de patrouilles policières qui contrôlent quand elles veulent.
Ces contrôles discriminatoires ne sont pas un mythe. Plusieurs études et sondages ont
permis de les objectiver :
En 2009, une étude menée par des chercheurs du CNRS avait montré qu’un Noir et un
Arabe ont respectivement 6 fois et 7,8 fois plus de risques de se faire contrôler qu’un
Blanc. Les individus perçus comme « arabes », quant à eux, étaient contrôlés en moyenne huit fois plus fréquemment que les individus perçus comme « blancs ».
Cette étude a été corroborée par un sondage mené en 2014 (Opinion Way/Le Monde),
Ce sondage révèle, lui aussi, l’ampleur des pratiques discriminatoires qui accompagnent
ces contrôles d’identité. Pour les personnes ayant subi au moins un contrôle, le nombre
moyen de contrôles par personne au cours des douze derniers mois s’élevait à 2,65.
Cependant cette moyenne augmentait de manière significative pour plusieurs catégories : 4,76 contrôles au cours des douze derniers mois pour les personnes ayant des ascendants étrangers, et même 8,18 contrôles pour les personnes ayant des ascendants originaires d’Afrique du Nord. La moyenne atteignait un maximum de 10,64 contrôles lors de l’année passée pour les personnes qui estimaient avoir été contrôlés pour des motifs
discriminatoires.
En 2016, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a rendu
un avis dans lequel elle rappelle qu’« un ensemble convergent d’études a mis en évidence la surreprésentation des jeunes hommes issus des minorités visibles dans les contrôles de police ».
En 2017, le Défenseur des Droits a montré dans une étude que les jeunes
hommes « perçus comme noirs ou arabes » ont 20 fois plus de chance d’être contrôlés
que les autres.
Rappelons de manière concise la loi :
- Un contrôle d’identité peut être réalisé en cas de flagrant délit, de risque à l’ordre
public ou sur réquisitions du procureur de la République
- Lorsqu’ils n’ont pas conduit au déclenchement par les autorités publiques d’une
procédure judiciaire ou administrative, les contrôles d’identité ne font l’objet
d’aucun enregistrement.
- La Cour de Cassation, plus haute juridiction de l'ordre judiciaire, est venue préciser
dans une décision du 9 novembre 2016 la définition d'un contrôle discriminatoire et
la façon dont il doit être prouvé :
1) Un contrôle d’identité fondé sur des caractéristiques physiques associées
à une origine réelle ou supposée, sans aucune justification objective préalable, est
discriminatoire : il s’agit d’une faute lourde qui engage la responsabilité de l’Etat.
2) la discrimination doit être prouvée et l'aménagement de la charge de la
preuve, se fait en trois temps :
• la personne qui a fait l’objet d’un contrôle d’identité et qui saisit le tribunal
doit apporter au juge des éléments qui laissent présumer l’existence d’une
discrimination
• c’est ensuite à l’administration de démontrer, soit l’absence de
discrimination, soit une différence de traitement justifiée par des éléments objectifs
• enfin, le juge exerce son contrôle.
- le Conseil Constitutionnel est quant à lui venu préciser de manière restrictive la
possibilité de contrôle dans le temps et dans l'espace des contrôles d'identités requis
par le Procureur de la République
Malgré cet encadrement de la loi et des hautes autorités judiciaires et constitutionnelles, les contrôles d'identité discriminatoires n'ont pas cessé de se développer.
Les études scientifiques montrant d'ailleurs que la perception d’un usage discriminatoire
des pouvoirs de contrôles contribue à une baisse de confiance à l’égard des forces de
l’ordre.
Et il est donc facile de comprendre aujourd'hui pourquoi on en arrive à temps de milliers
de manifestants dans les rues des grandes villes françaises.
Quelles sont alors mes propositions concrètes pour remédier à ces pratiques déviantes de certains policiers qui cristallisent les tensions police-population,et plus globalement pour restaurer un lien de confiance indispensable entre citoyens et policiers ?
- dans la droite ligne de ce que réclame le Défenseur des Droits, les professionnels du
droit, je plaide en faveur d'un système de traçabilité des contrôles d'identités.
Actuellement, les contrôles ne font l’objet d’aucun enregistrement, d'où l'absence de traces et le risque accru d'arbitraire.
Il faut mettre en place sans attendre un système permettant à la personne contrôlée de
disposer d’un document attestant de ce contrôle et aux institutions de décompter ces
contrôles.
Là encore, ce n'est pas très compliqué à mettre en place contrairement à ce que disent
les défenseurs du statu quo. La preuve, c'est que pendant le confinement décidé pour
endiguer la pandémie due au nouveau coronavirus, le ministère de l’intérieur a publié
les statistiques des contrôles des attestations de sortie et a quantifié combien ont fait
l’objet de difficultés, de contestations, etc...
Comme le dit Jacques Toubon, « C’était possible, ça n’a posé aucun problème à la
police et à la gendarmerie....Donc je pense qu’on peut le faire pour tous les contrôles
d’identité. »
- au niveau politique, il faut impérativement restaurer tout ce qu'a détruit l'ancien
président Nicolas Sarkozy et faire exactement l'inverse de ce qu'il a pu initier
pendant son mandat comme : la réduction drastique des effectifs policiers qui
obligent à un surcroît de travail, de fatigue, augmenté en parallèle par l'intensification
croissante de leur missions avec les vagues de terrorisme qui se sont succédées,
l'initiation d'une politique du chiffre, qui a conduit les policiers à se concentrer sur les
petites affaires pour pouvoir multiplier le nombre de bâtonnets dans les tableaux
statistiques, la disparition des crédits de prévention , la suppression de la police de
proximité qui permettait une présence dans les quartiers et une connaissance de ce qu'il
s'y passait, la politique de ségrégation spéciale à l'égard des cités symbolisée par les
expressions de la racaille et du « on va passer le karcher dans la cité », la
prédominance de lois pénales répressives qui ont augmenté la densité
carcérale sans diminuer la délinquance.
- toujours au niveau politique, il faut cesser la politique de l'autruche comme l'ont
fait successivement François Hollande et Emmanuel Macron.
Le premier avait en effet promis d’instaurer un récépissé lors de chaque contrôle
d’identité, avant de faire marche arrière, une fois élu. Ce dispositif permettait à
l’officier de police d’indiquer dans un document écrit, la raison du contrôle d’identité et
a fait ses preuves en Espagne, aux États Unis et au Royaume Uni.
A sa place et sous l'impulsion de Manuel Valls qui a cédé aux syndicats, a été mis en
place le port obligatoire du matricule qui malheureusement , n'a rien amélioré.
Le second laisse pour le moment la situation se développer sans faire annoncer de
message fort pour rassurer les manifestants sur la prise de conscience au plus haut
niveau de la rupture entre une partie de la société et ses institutions, dont l'institution
policière.
- au lieu de cette politique de l'autruche, il faut promouvoir une politique
pragmatique, volontariste et courageuse.
Cela passe par une reconnaissance officielle et publique de l'existence problématique
d'une recrudescence de violences et de discriminations policières.
Cela passe aussi par la mise à plat du problème avec les fonctionnaires de police et les
syndicats.
Pourquoi, contrairement aux autres ministres avec leurs fonctionnaires, le ministre de
l’Intérieur ne peut pas assumer un conflit avec les policiers qui salissent leur mission ?
De quoi a-t-il peur ? Il faut absolument que ce tabou des violences policières et des
discriminations soit levé afin que le sujet puisse être véritablement réfléchi et creusé.
Non, mesdames et messieurs de syndicats policiers, la traçabilité des contrôles n'est pas
une mesure stigmatisante pour les policiers, c'est une étape incontournable pour faire
renaître un lien de confiance entre le peuple et sa police.
Cela passe encore par une réforme complète du mode de recrutement, de la formation et du commandement au sein de l'institution policière avec en corollaire une revalorisation salariale à la hauteur de l'importance de la mission qui est confiée à notre police républicaine.
Cela passe enfin par une politique volontariste de lutte contre les inégalités sociales et contre la pauvreté.
- il faut arrêter de penser dans notre pays que la problématique policière est l'apanage du seul ministère de l'intérieur.
L'ensemble de la société doit pouvoir se saisir du sujet et y réfléchir. Dans un état de
droit et dans la perspective d'un nouveau modèle de développement, une police
républicaine stable, qui inspire protection, confiance, respect est essentielle.
- enfin, et ce sera l'objet d'un prochain post, il faut reconstruire une vraie institution
judiciaire en France. Les gens n'ont plus confiance en leurs magistrats et ne les
respectent plus, en témoigne encore, le caillou jeté hier sur le Procureur de la
République de Metz , lors de la manifestation organisée contre les violences policières
aux abords du palais de justice. Je suis d'accord avec les inscriptions sur les pancartes
des manifestants « no justice, no peace » mais à condition qu'on s'entende sur la notion
de justice. Il ne s'agit pas de la justice de la rue, de la justice des rumeurs, de la justice
instrumentalisée par certains agitateurs sans vergogne qui surfent sur la
méconnaissance des gens, de la justice invoquée par des courants anti-républicains et
extrémistes qui confondent justice et vengeance.
Non, je parle pour ma part, de la Justice, cette vertu qui est également une institution
essentielle dans un état de droit, un pilier de la démocratie, une instance régulatrice des
maux d'une société. Il faut lui donner les moyens d'agir, de travailler dans des
conditions décentes, lui donner une véritable indépendance et lui rendre ses lettres de
noblesse qui ont aujourd'hui disparu à l'ère de l'ultra-puissance des médias.
Une justice forte, crédible et respectée par les citoyens permettra à terme d'éviter le
malaise qui s'est instillé dans notre pays.
Pour terminer, je déplore sincèrement que l’engrenage de la défiance mutuelle entre
policiers et minorités visibles détruise un peu plus tous les jours le principe idéalisé de
la police républicaine.
Notre police n’est pas raciste ni violente en elle-même, mais elle est maintenant rongée
par ces deux fléaux. Il nous faut absolument sortir des caricatures et comprendre
véritablement le contexte social, admettre des réalités de terrain qui parfois heurtent nos
convictions.
Cessons de confondre croyances et connaissance et ne tombons pas dans le piège de
celles et ceux qui veulent absolument politiser cet enjeu majeur et valider la thèse des
violences policières pour déstabiliser le pays.
N'oublions jamais que le taux de suicide dans la police est anormalement important,
n'oublions jamais le courage de ces femmes et de ces hommes au moment des attentats, ne déshonorons pas la mémoire de celles et ceux qui l'ont payé de leur vie et respectons cette mission si difficile à exercer.
Mais que cette pensée vertueuse ne nous empêche pas non plus de regarder la réalité en face et d'écouter ces jeunes appartenant aux minorités visibles lorsqu'il nous parlent de leur peur de la police, de leur souhait de pouvoir sortir en toute quiétude sans être
fréquemment contrôlés en raison de leur couleur de peau.
Le fait que certains d'entre eux aient été conduits à verser dans la délinquance, tantôt
par nécessité tantôt par choix, ne doit pas servir de justification pour fermer les yeux
sur des violences et des discriminations exercées par des policiers.
Je partage entièrement les constats dressés ci-dessus tant sur l’impossibilité d’importer ex abrupto la problématique américaine des violences policières à connotation raciale en France que sur la nécessité d’une prise en charge réelle du problème par les institutions de notre pays qui commence tout simplement par admettre l’existence de ces comportements intolérables et profondément attentatoires à la confiance que notre peuple est en droit de placer en ses forces de l’ordre. A ce titre, si la communication tant de l’exécutif (notre Président de la République restant obstinément muet sur cette question alors qu’il tenait un discours particulièrement volontariste pendant sa campagne) que de la Direction générale de la police nationale est difficilement supportable par son mutisme et sa minimisation, …