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Quand les néo-libéraux agitent l'épouvantail de la crise sociale pour masquer l'urgence climatique

Comme dirait l'autre, il y a parfois de saines colères...


Depuis quelques jours, une colère sourde gronde en moi face à la récurrence des messages hypocrites concernant la crise sociale à venir. Médias d'opinion (Valeurs actuelles, Challenge...), éditorialistes économiques, syndicats patronaux, politiciens, ne cessent de mettre en avant le spectre de la crise sociale pour justifier la nécessité de la reprise économique. Par la même, ils instillent insidieusement de la culpabilité chez les penseurs du monde d'après, chez ceux qui souhaitent réfléchir à un nouveau modèle de développement pour éviter la catastrophe climatique.

Ainsi, un éditorialiste politique m'a fait bondir de mon siège l'autre matin lorsqu'il a filé la métaphore du cancéreux qui se noie à propos de la tribune de Nicolas Hulot: "lorsqu'un cancéreux se noie, le pompier qui arrive pour le sauver ne lui apporte pas un appareil de chimiothérapie".

Autrement dit, Nicolas Hulot est bien gentil avec son climat et ses 100 propositions pour un nouveau Monde mais l'urgence c'est la crise sociale. Le tout avec un ton méprisant qui disqualifie totalement les auteurs de réflexions sur un nouveau modèle de développement, qui ne seraient en vrai que des utopistes de la classe aisée, totalement éloignés des réalités sociales de notre pays.


La décence ainsi que l'objectif de bienveillance qui me guide, m'interdisent de vous révéler les mots et cris spontanés que m'ont inspiré cette métaphore de mauvais goût.


Ma première réaction est bien entendu de dénoncer avec force l'hypocrisie de cette réthorique du moment : ceux qui l'emploient sont ceux-là même qui ont semé les graines de cette crise sociale !!! Car cette crise sociale n'est pas à venir, elle existe depuis des années et l'épidémie COVID-19 n'a fait que l'amplifier.

9 millions de personnes en deçà du seuil de pauvreté, plus de 8% de chômeurs, des millions de travailleurs précaires payés au lance-pierre, des quartiers défavorisés en chute libre..etc..qu'est-ce donc alors ? Et ça existe depuis des années sous l'impulsion des mêmes qui font aujourd'hui semblant de s'émouvoir du sort de tous ces gens en train de se noyer dans la misère ! Ils agitent aujourd'hui le chiffon rouge de la crise sociale pour encore une fois servir leurs propres intérêts et légitimer une reprise de la production "à fond les ballons"

qui ne doit pas s'embarrasser d'une législation protectrice du droit des travailleurs.

Car ses pseudo-défenseurs du social, ces philanthropes du dimanche matin, réclament en même temps la hausse du temps de travail, le report ou la suppression de jours de RTT, l'abaissement du temps de repos entre deux journées de travail.

Il faut sauver la France crient-ils tous en choeur, et peu importent les moyens, du moment que l'objectif affiché est d'éviter la crise sociale. Vous observerez en effet que ces personnes demandent au gouvernement un moratoire sur les normes environnementales post accord de Paris sur le climat afin de rattraper le retard dans la production.


Ma seconde réaction : face aux mépris et à la culpabilisation que nous assènent les tenants du système néo-libéral, je réponds tranquillement à ces gens qu'ils sont des irresponsables et qu'ils sont en train de sacrifier le sort de millions d'êtres humains pour leur profit immédiat.

L'urgence sociale est là, je n'en disconviens pas, mais elle coexiste en réalité avec l'urgence climatique qui est aujourd'hui une urgence vitale.

Et ce que refusent de comprendre nos dirigeants internationaux, obnubilés par le concept de croissance, c'est que l'urgence sociale et l'urgence climatique sont liées.

Plusieurs exemples sont parlants et viennent étayer mon affirmation :


- le réchauffement climatique en cours oblige à des mutations géographiques de millions de personnes qui fuient leur région d'origine devenant inhabitable pour survivre et émigrent dans les pays à climat tempéré. L'émigration climatique a commencé et va s'aggraver dans les années à venir.

Selon les météorologues qui mesurent l'effet combiné chaleur/humidité sur une échelle dite de température humide, les personnes les plus résistantes peuvent continuer à évoluer en plein air jusqu'à une température humide de 32 °C, mais la valeur de 35 °C est considérée comme une limite théorique de survie. Or les travaux des chercheurs de l'université de Columbia montrent qu'entre 1979 et 2017, une température humide de 30 °C, jusqu'alors considérée comme rare, a déjà été atteinte environ un millier de fois ! Celle de 33 °C que les chercheurs pensaient hors d'atteinte a été enregistrée 80 fois ! (https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/rechauffement-climatique-rechauffement-climatique-va-rendre-plusieurs-regions-monde-inhabitable-cela-deja-commence-80959/)

J'ai consulté par ailleurs les données du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) , du Haut Conseil pour le Climat, de l'ADEME (agence de la transition écologique) et les prévisions du réchauffement des températures ont été revue à la hausse.

En 2050, si l'on continue au rythme actuel, une ville comme Strasbourg accueillera des températures de 55 degrés !!!


- Pour ceux qui habitent autour de la Méditerranée, vous avez pu observer au cours des cinq dernières années une recrudescence de tornades ou d'ouragans. Le réchauffement climatique dans cette région va avoir une autre conséquence à cours terme : une diminution drastique des précipitations et une évaporation de l'eau. D'où une crise sociale d'envergure, celle de l'accès à l'eau !


- Pour ceux qui habitent dans les Alpes et les Pyrénées, vous avez pu constater le début de la fonte des glaciers qui va s'accentuer avec le réchauffement de la planète autour de 1,5/2 degrés (estimation la plus optimiste) au cours de ce siècle.

Dans ces régions, la situation d'enneigement va diminuer et va poser la question des ressources économiques de ces territoires : quid des sports d'hiver et de toute l'économie touristique liée à ces événements ?


- Pour ceux qui habitent les régions côtières bordées par l'océan, le niveau des océans pourrait augmenter de 60 cm au cours du 21ème siècle...


J'en arrête là avec mes exemples car le but n'est pas de vous effrayer mais de rééquilibrer le débat et de replacer, dans leur vrai contexte, les assertions sur la crise sociale, proférées par les défenseurs du système actuel.

Le réchauffement climatique est la véritable urgence et elle englobe la crise sociale qui lui est en fait consubstantielle ! L'émigration climatique, l'accès à l'eau, les catastrophes naturelles vont assombrir notre quotidien si nous ne réagissons pas.

Bon sang, en 2050, ma fille aura 45 ans, elle aura eu peut-être des enfants et sera susceptible d'être exposée à des températures mortelles en France !? (référence au potentiel 55°C à Strasbourg)

Suis-je le seul à m'inquiéter bêtement du climat ? Je ne crois pas, non, je vous laisse apprécier l'appel des soignants français indiquant que la plus grande menace pour notre santé est le réchauffement climatique (https://reporterre.net/Appel-des-soignants-la-plus-grande-menace-sur-notre-sante-est-le-rechauffement-climatique) et appelant à soutenir le plan de sortie de crise proposée par la Convention citoyenne pour le climat.


Ma proposition pour terminer ce post : il faut abandonner les objectifs à long terme pour le climat !!! Demander aux Etats de réduire leur émission de gaz à effet de serre d'ici 2050 ou 2100 n'a aucun sens, ça ne parle à personne et la plupart d'entre nous serons mort à ces dates. Comme on l'a fait avec le coronavirus où le Directeur Général de la Santé nous donnait quotidiennement le nombre de contaminations, d'hospitalisations de décès chaque soir, inventons un système identique où chaque mois nous aurions une cartographie des zones carbonées en France avec un système de départements verts et rouges.

J'exagère un tantinet mais vous comprenez le fond de ma pensée : il faut se donner de objectifs réalisables à très court terme pour mesurer la prise en compte effective de la menace climatique sinon le pompier sera déjà brûlé avant d'avoir pu secourir le cancéreux de la noyade....

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