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Pourquoi n'arrivons-nous pas à accoucher du nouveau monde ?


Au gré de mes lectures et de mes discussions, j'ai le sentiment que l'embryon du nouveau monde se développe de plus en plus et qu'il est en passe d'acquérir une certaine maturité.

La conjonction des travaux des chercheurs de toutes les branches des Sciences et la possibilité de formaliser dès à présent une proposition politique concrète m'ont donné la conviction que le nouveau monde (expression à la mode mais entendre par là modèle décroissant et respectueux de la planète) ne relève plus de l'utopie contrairement à ce que beaucoup de gens encore, s'accordent à dire.

Alors, je me suis demandé pourquoi nous n'arrivons pas précisément à franchir le cap, à modifier la trajectoire actuelle de notre monde alors que nous somme de plus en plus nombreux à ressentir cette nécessité de changement pour éviter une issue fatale à plus ou moins court terme.

Je vous ai mis en annexe de cet article deux liens qui exposent les visions d'un philosophe et celle d'un physicien, docteur en philosophie des sciences. Leurs réflexions m'ont beaucoup inspiré et m'ont permis de dresser une liste de cinq obstacles qui à mon sens, nous empêchent aujourd'hui d'inverser la tendance et permettent au système actuel de continuer à prospérer et à nous détruire.

Ces cinq obstacles dépendent de nous et nous pouvons les lever progressivement si nous croyons en nous, si nous acceptons de nous décentrer et d'oublier nos réflexes égotistes.


1er obstacle : notre attitude de déni face au changement climatique et au déclin de la biodiversité

Quelques précautions rédactionnelles : mes propos n'ont pas vocation à être culpabilisants, il s'agit pour moi de constater et d'analyser, étant précisé que je me range au même niveau que la plupart des gens.

Cela étant, aujourd'hui, tout démontre que nous ne pourrons pas éviter un réchauffement spectaculaire de la planète. (C’est désormais inévitable, et cela durera plusieurs milliers d’années car le dioxyde de carbone se maintient dans un temps long et les masses de glace qui fondent ne pourront pas geler de nouveau, sauf dans un intervalle de temps millénaire).

Face à cette évidence que nous pouvons constater nous-même de façon empirique (canicule, modification des saisons..), une majorité d'entre nous a recours à des stratégies d’évitement psychologique pour dénier les faits scientifiques.

Et même la minorité qui accepte cette vérité du changement climatique a des difficultés pour vivre avec chaque jour. C’est tellement difficile à accepter que nous préférons la mettre de côté et détourner notre attention. Ce sont des mécanismes de protection inconscients. Nous sommes tous humains… Quand on regarde l’avenir auquel nous et nous enfants ainsi que les animaux seront confrontés, y penser chaque jour devient insupportable.

Alors comment modifier ce déni inconscient et protecteur chez chacun d'entre nous ?

Plusieurs pistes :

- comme je l'ai déjà écrit dans un précédent post, une petite introspection et une méditation de la citation de Camus : "il n'y a qu'une seule liberté, se mettre en règle avec la mort après quoi tout est possible." Je veux dire par là que nous en revenons toujours à la question fondamentale du pourquoi de notre existence et de notre rapport à la mort. Il nous faut affronter cette angoisse naturelle et la gérer chacun à notre façon, avec le recours éventuel à des aides adaptées à nos personnalités respectives.

Pour ma part, je suis en proie à des troubles anxieux depuis plusieurs années et la sophrologie comme certaines thérapies cognitivo-comportementales m'ont appris qu'il fallait affronter ses peurs sous peine d'empirer leur intensité et de multiplier nos stratégies d'évitement.

- il nous faut aussi nous responsabiliser en acceptant d'écouter la vérité scientifique et en n'imputant pas automatiquement la faute des dérèglements climatiques et environnementaux au système. Nous avons toutes et tous une part de responsabilité qu'il nous faut assumer et c'est dans l'action ou la réaction suivant la politique des petits pas, déjà exprimée dans un autre post, que nous pourrons progressivement changer notre rapport à cette évolution inquiétante du monde. Agir, c'est résister et se donner la capacité de regarder en face les perspectives qui nous font peur.

- il faut aussi progressivement lutter contre notre réflexe égotiste, qui est un peu l'apanage de l'être humain. Je ne dis pas qu'il faut s'oublier mais plutôt commencer à ne plus se penser comme une entité individuelle mais comme une composante d'un entité collective, liée aux autres composantes par un dessein commun : la protection des générations futures à travers la protection de la planète.


2ème obstacle : notre rapport à la Vérité et notre tendance à déclarer vraies les idées que nous aimons

J'ai indiqué juste avant que nous réagissons tous différemment face à aux faits scientifiques et que beaucoup d'entre nous, utilisons inconsciemment le déni pour mieux supporter la brutalité que renvoie la Vérité (réchauffement climatique inéluctable, récurrences des pandémies virales ..etc..)

Ici, je veux parler d'une autre stratégie d'évitement, qui est plus consciente, et qui consiste pour beaucoup d'entre nous à transformer une croyance en connaissance.

Je m'explique en reprenant les propos d'Etienne KLEIN, docteur en philosophie des sciences : "Le problème vient en partie de ce qu’aujourd’hui circulent dans les mêmes canaux de communication des éléments qui ont des statuts cognitifs très différents: il peut s’agir de connaissances, de croyances, d’informations, de commentaires, d’opinions, de bobards… Leur juxtaposition médiatique fait que leurs statuts se contaminent ou s’amalgament: les connaissances passent pour des croyances, les opinions pour des informations, les bobards pour des connaissances, etc. Cela crée une énorme confusion."

La toile, les réseaux sociaux, les médias peu scrupuleux, nous donnent accès à de multiples informations qui ne sont pas forcément recoupées, vérifiées et qui peuvent nous éloigner de la Vérité.

En outre, nombre de nouveaux médias comme les chaînes d'informations en continue et le développement exponentiel des talk-show à l'américaine, ont promu aujourd'hui une nouvelle catégorie de "pseudo-journalistes", les commentateurs ou consultants, qui se sont arrogés le titre de sachants et distillent conseils, avis, affirmations qui n'engagent qu'eux-mêmes mais qui sont reçus par certains téléspectateurs comme la Vérité ou la Connaissance.

Je précise que ce n'est pas forcément la crédulité ou l'ignorance du téléspectateur qui transforment la pensée du commentateur en Vérité mais souvent sa tendance naturelle qui le pousse toujours à déclarer vraies les idées qu'il aime ou qui l' arrangent.

C'est ce que dit Nietzsche quand il écrit en 1878, dans "Humain, trop humain", un chapitre intitulé "L’avenir de la science". On y trouve cette phrase:


"Le goût du vrai va disparaître au fur et à mesure qu'il garantira moins de plaisir; l'illusion, l'erreur, la chimère vont reconquérir pas à pas, parce qu'il s'y attache du plaisir, le terrain qu’elles tenaient autrefois."


Reconnaissons que sur beaucoup de sujets, par flemme de chercher, par fatigue intellectuelle, par facilité, par manque de temps, par procrastination, par priorité donnée aux soucis matériels ou sanitaires du quotidien , par envie de vouloir jouir de moments plus légers, nous transformons des croyances qui nous conviennent en connaissances.

Alors comment remédier à cette tendance naturelle pour aller vers la Connaissance ?

Plusieurs pistes là encore :

- il nous faut retrouver le goût du vrai par respect pour nous mêmes et pour notre liberté de penser. Regardez aujourd'hui les dégâts provoqués par Donald Trump aux Etats-Unis, par Jaïr Bolsonaro au Brésil, par Victor Orban en Hongrie qui doivent leur accession au pouvoir, en plus de la vacuité de l'offre politique, à la résignation de millions de gens qui ont préféré s'en remettre à des croyances qui arrangeaient leurs intérêts personnels, peu importe le caractère farfelu ou mensonger des croyances propagées par ces leaders populistes.

Accéder à la Vérité par nos propres moyens, en réfléchissant, en se donnant la peine de lire, d'écouter et de recouper les informations, en échangeant nos expériences professionnelles et personnelles avec les autres, me semble pouvoir constituer aujourd'hui une véritable source de satisfaction pour l'individu dans une nouvelle période aussi incertaine.

Reprendre les choses en mains, à l'heure où la défiance du politique est à son comble et où nous sommes menacés par le même spectre populiste qu'outre-atlantique, se dire que nous ne sommes pas plus cons que la moyenne pour imaginer un nouveau mode de coexistence sur Terre pourrait être un objectif épanouissant pour nous au même titre qu'une série sur Netflix.

Cultiver sa propre responsabilité de citoyen du monde, son indépendance intellectuelle et politique, afin d'être en mesure de discerner si les dirigeants de nos pays oeuvrent véritablement pour le bien commun ou poursuivent simplement une logique partisane me semble indispensable si nous ne voulons pas être de simples marionnettes actionnées par des pantins.

Enfin, deux dernières pistes pour cheminer vers la Vérité et ne pas confondre croyance et connaissance me paraissent primordiales :

- prendre le temps, nous sevrer progressivement de notre addiction à l'immédiateté entretenue notamment par nos smartphones qui sont aujourd'hui pour beaucoup d'entre nous la source principale d'informations que l'on va consulter aux toilettes, dans la salle d'attente du médecin, dans la file d'attente aux caisses du supermarché, bref dès que nous sommes dans l'inaction. Sacralisons plutôt ce moment de prise d'informations comme nous le faisons pour un film, une série et soyons curieux, ne nous en tenons pas aux articles les plus courts mais allons systématiquement au-delà des gros titres, creusons, et récoltons le maximum de renseignements sur un sujet pour nous forger une connaissance objective, même si elle va à l'encontre de notre conviction instinctive.

- cesser de donner la primauté aux réseaux sociaux qui accordent une prime à celui qui crie le plus fort ou qui se montre le plus.

Il ne s'agit pas là de supprimer les réseaux sociaux qui restent un vecteur de communication important et protecteur de la liberté d'expression. Il s'agit plutôt de les considérer comme de simples lanceurs d'alerte au lieu de leur laisser le rôle d'influenceur qu'ils ont actuellement.

C'est de cette façon que l'on se préservera des fake news et autres théories complotistes.


3ème obstacle : la subtilisation de notre vote par les lobbys

Le lobbying est la gangrène de la démocratie comme j'ai déjà pu le dénoncer dans plusieurs posts précédents.

L'offre politique d'aujourd'hui est totalement biaisée par ces groupes d'intérêts qui vont entourer, influencer les candidats et élus en leur dictant les contours des politiques publiques

Dons, mécénat, caution intellectuelle et financière...autant de manières de téléguider en sous-main le représentant de la Nation et au final de subtiliser le vote du citoyen.

Comment sortir de cette spirale perverse et nous réapproprier le mandat que l'on confie à un décideur publique ?

- Devenir nous même un lobby des consciences comme l'indiquait Nicolas Hulot, nous fédérer pour constituer une masse électorale importante susceptible d'intéresser un prétendant au pouvoir comme je l'expliquais dans le texte fondateur de ce blog.

- Utiliser les moyens que nous donne la Constitution et particulièrement le référendum d'initiative partagée (parlement et peuple), en cessant de croire que c'est impossible à déclencher !

Une proposition qui a déjà été suggérée par le comité de surveillance de la convention citoyenne sur le climat et qui pourrait avoir du sens : demander aux français de se prononcer sur une réforme de la politique environnementale de la Nation, à savoir pour ou contre la fixation d'une empreinte écologique et d'un seuil que nous ne devons pas dépasser dans nos activités de logement, production, consommation, nourriture, déplacement et travail.

Puisque les artistes se mobilisent, puisque la communauté scientifique se mobilise, puisque des citoyens comme nous nous mobilisons, puisque des associations oeuvrent en ce sens, ce premier pas me paraît vraiment réalisable.


4ème obstacle : notre focalisation sur l'argent et la matérialisme comme unique source de bonheur

J'ai conscience que je m'attaque à un sacré tabou de l'ère moderne...mais au risque de contrarier beaucoup d'entre nous, je préfère ne pas contourner la difficulté et aborder une problématique qui dérange.

Je ne vais pas tomber dans les poncifs du genre "l'argent ne fait pas le bonheur" et m'exposer à votre réponse en chorale "mais il y contribue".

Je ne vais pas prôner non plus un retour à l'âge de pierre où tout le monde porte un pagne et se déplace sur un cheval ou un baudet.

Non, je souhaite simplement susciter une réflexion chez nous et tenter d'amorcer un changement dans notre échelle de valeurs.

Comme le dit le philosophe australien Clive Hamilton :

"Le chemin sera néanmoins très long et nous sommes encore au tout début de ce processus. L’ensemble de nos valeurs doivent être transformées. Toutes les études démontrent en effet que les gens matérialistes et focalisés sur leurs revenus sont moins heureux que ceux qui vivent plus modestement. C’est une double peine, car non seulement nous sommes dans une civilisation qui ne nous rend pas intrinsèquement heureux mais qui en plus détruit l’environnement. Tout l’enjeu sera de réussir à fabriquer une mécanique de désirs différente. Le capitalisme consumériste ne mène pas au bonheur par nature puisqu’il repose sur le manque."


Compliqué quand-même de devoir renoncer à ce que l'on conçoit comme une récompense matérielle de nos sacrifices consentis dans les études, les heures de travail..etc...

Qui imagine aujourd'hui se passer de tout son univers multi-média domestique, de réduire le nombre de tablettes, smartphones, ultra-portables qu'il possède ?

Qui imagine réduire le nombre de voitures qu'il possède au sein de son foyer ?

Qui imagine restreindre sa garde-robes ou sa garde-costumes, ses commandes d'habits fashion et se priver de la sensation d'être "swag" ?

Qui imagine restreindre les départs incessants en week-end, les séjours à l'international, les concerts, les festivals ?

Qui imagine arrêter les achats compulsifs sur le web, les commandes Fnac, Amazon et autres fournisseurs low cost ?

Qui imagine ne pas avoir un bouquet satellite avec 400 chaînes, ne pas avoir accès à toute la musique du monde via Deezer, Spotify ?

A vrai dire, pas grand monde parmi les gens qui appartiennent a minima à la classe moyenne et qui restent la tête enfouie dans le casque du système néo-libéral.

Mais si on réfléchit, on s'aperçoit que la matérialisme provoque un plaisir éphémère et rapidement obsolète. Regardons la réaction de nos enfants lorsqu'il déballe la kyrielle des cadeaux de Noël...

Je crois, que l'on peut changer la mécanique de nos désirs, certes lentement mais sûrement. Le confinement nous a montré que le manque n'était pas forcément matériel et jamais autant de monde n'a ressenti le besoin de partir en forêt, de se promener au bord de la mer, de voir des gens, de rire et partager des moments avec eux.

Je pense sincèrement que le bonheur matériel est une illusion entretenue par une minorité de puissants individualistes qui ont peur de se confronter à la question du sens de leur existence.

Nous pouvons y échapper en retrouvant d'abord le goût de la rareté qui démultiplie l'intensité de la jouissance matérielle et en insérant/intégrant dès l'enfance, dans notre échelle de plaisirs, celui de faire une action bénéfique pour la Terre.


5ème obstacle : l'espèce humaine a perdu son humilité et n'a plus conscience du monde du Vivant

Pour reprendre la pensée du philosophe Dominique Bourg, nous sommes vraiment sur un moment de bascule en termes de civilisation. Nous étions une civilisation très mécaniste depuis la fin du XVIème siècle. On s’imaginait que la nature n’était qu’un agrégat de particules matérielles, donc que les animaux étaient des machines pour reprendre Descartes, mais que nous autres êtres humains nous étions étrangers à la nature.

Du coup, le progrès était de s’éloigner au maximum de la nature, de l’artificialiser, de la détruire.

Depuis Darwin et le XIXème siècle, on a commencé à comprendre qu’on appartenait vraiment au vivant. Darwin a replacé l’espèce humaine au cœur de la nature. L’étude du comportement des animaux dans la seconde moitié du XXème siècle nous a montré qu’entre eux et nous, c’était finalement une différence de degrés. Aujourd’hui, c’est la biologie végétale qui nous montre que les plantes sont pleinement vivantes. Elles exercent les mêmes fonctions que les animaux, mais évidemment pas de la même manière.


a crise sanitaire du coronavirus nous a rappelé à notre modeste condition d'espèce appartenant au monde du vivant. Des centaines de milliers d'être humains sont morts d'un virus qui est quotidiennement bien géré par la chauve-souris !

Alors, reprenons conscience de ce monde du Vivant et respectons le à sa juste valeur en cessant de dénier l'intelligence animale et végétale. La nature fait partie du cercle de la vie et vouloir la détruire pour se protéger est un contre-sens absolu qui équivaut à la destruction de l'espèce humaine.


Voilà, j'en arrête là avec ce post que vous trouverez sûrement trop long, mais si vous en êtes arrivés à la fin , cela voudra dire qu'on est sur la bonne voie :)

Je pense encore une fois que nous ne devons pas brusquer les choses malgré l'urgence de la situation car chacun doit opérer sa prise de conscience à son rythme et effecteur petit pas par petit pas sa révolution copernicienne intérieure.

Je veux croire que ce moment éminemment compliqué que nous traversons est charnière et j'espère qu'il va provoquer notre résilience collective plutôt qu'une amnésie collective.

C'est à ce prix que nous pourrons accoucher du nouveau monde !


Au plaisir de vous lire.

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