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La collapsologie ou l'heure du choix

Je vous invite à visionner le documentaire auquel le premier lien conduit et me permets de vous livrer les sentiments qu’il a provoqués chez moi. Vous comprendrez vite qu’ils ne sont pas positifs.


L’enquête, entrecoupée d’interventions sur la mythologie et la psychologie apocalyptique à travers les âges, donne à voir les solutions adoptées par un certain nombre « d’effondristes », autrement dit de personnes qui tiennent pour acquis – et semblent d’ailleurs attendre avec une certaine impatience – l’effondrement de notre civilisation. Il y en a pour toutes les bourses et pour toutes les sensibilités politiques. Je vous laisse découvrir le « bunker de Larry », résidence en copropriété pour ultra-riches, dans laquelle ils pourront se réfugier après avoir accaparé les richesses mondiales et contribué plus que tous les autres au réchauffement climatique, pour vivre confortablement jusqu’à la fin des temps (enfin au-delà de la fin des temps, si j’ai bien compris). Moins luxueux mais tout aussi belliqueux Piero, un charmant citoyen suisse, nous explique que s’il va falloir s’entraider entre voisins pour se nourrir, il faudra aussi le faire pour repousser les intrus (là encore, d’après ce que j’ai compris : n’importe quel étranger). Arrive ensuite la version sportive et aventurière façon « Koh lanta » de l’effondrisme, qui présente l’avantage d’être aussi un business rentable à destination de jeunes cadres dynamiques angoissé.e.s climatiques et avides de sensations fortes et de dépassement de soi. Enfin, la mouvance rassurante écolo-bienveillante-post baba-cool. Celle-ci, parce qu’elle semble reposer sur des valeurs plus acceptables, me semble en réalité la plus dangereuse. Il ne s’agit alors plus de s’enfermer et de s’armer, mais de s’isoler et de s’auto-suffire dans la coopération, la non-violence, la permaculture et la redécouverte des savoir-faire ancestraux, le tout en harmonie avec la nature. Nous avons là des gens éduqués, conscients des réalités du monde qui les entoure, des dangers de la crise climatique en cours, qui ont décidé de ne pas rester sans rien faire. Cela fait presque envie. En tous les cas cela ne fait pas, à première vue, peur.


Pourtant, je retiens qu’un point commun réunit toutes ces personnes, quand bien même elles sont à tous points de vue très différentes les unes des autres. Elles ont toutes adopté la même solution : se planquer. Devant ce constat je ressens indignation, colère, tristesse et honte.


Je ne nie en aucun cas l’importance des changements en cours, la catastrophe, apocalyptique sans doute, à laquelle nous courrons si nous ne changeons pas immédiatement de trajectoire. Je comprends la volonté de se protéger et de protéger ses proches. En revanche, je refuse de baisser les bras et de me laisser rassurer par la voix douce et enjôleuse de Monsieur Servigne en construisant, en privilégiée relative de la classe moyenne que je suis, mon « plan B » pour me sauver moi et mes enfants, en laissant le monde s’écrouler, et celles et ceux qui n’ont pas les moyens d’un tel « plan » crever.

Ce plan B que l’on nous fournit n’est pas un monde idéal dans lequel les quelques survivants vivraient heureux. Quand bien même (ce qui je le crains est très incertain) la version « joyeuse et inclusive » l’emporterait, ce monde-là ne me fait pas envie. Cela peut être exaltant de se dire qu’il faut tout reconstruire à partir de zéro. Pour ma part je trouve cela parfaitement mégalo et d’une suffisance écœurante. Cela revient à renoncer à ce que l’humanité a construit jusqu’ici, or tout, je crois, n’est pas à jeter. Voilà pour l'indignation et la colère.


Ce monde-là est un monde sans musées, sans théâtres, sans littérature, sans cinéma, sans voyages. La vie culturelle se résumerait à faire la ronde autour d’un feu de camp au son d’un pipeau (cf. une scène du documentaire). Les gens ont l’air content mais en ce qui me concerne je pense avoir du mal à m’en contenter. Pour les plus aisés ce n’est pas plus rassurant : Larry a prévu la superette, la salle de sport et la prison, mais les rayonnages de la bibliothèque que l’on aperçoit sont désespérément vides…


Ce monde-là est un monde sans bibliothèques, sans universités, sans hôpitaux, sans tribunaux, sans protection des droits humains, sans protection sociale contre la maladie, le handicap, la vieillesse.


Ce monde-là est un monde sans recherche médicale, sans astronomie ni astrophysique pour comprendre notre place dans l’Univers, sans géophysique ni géologie, sans géographie ni biologie, sans sociologie ni anthropologie pour comprendre notre planète et ses habitants, sans archives ni historiens ou historiennes pour comprendre celles et ceux qui nous ont précédés.


Il restera des artistes, mais leur art ne sera diffusé qu’à leur cercle restreint. Il restera la pensée, mais elle ne pourra pas être partagée. Avec cette idée, la colère cède la place à une infinie tristesse.


Le documentaire se termine sur le portrait d’une jeune activiste, entourés de ses camarades, pratiquant la désobéissance civile pour exiger un changement. Nous, leurs aînés, les regarderons-nous sans rien faire ? Serons-nous des planqués ? Serons-nous la génération qui a baissé les bras ? C’est ici qu’intervient la honte.


Les deux autres liens viennent contrebalancer cette vision négative de la collapsologie. Ce concept, et sa diffusion actuelle, doivent nous alerter. Le dernier nous donne quelques pistes pour l’éviter. L’auteur, par une analyse de l’effondrement de l’Union soviétique suggère qu’elle s’explique notamment parce que les soviétiques et leurs dirigeants, bien que conscients des dysfonctionnements de leur système, étaient incapables d’imaginer une alternative. Nous en sommes capables. Nous le devons. Nous cherchons à le faire ici. Le ferez-vous avec nous ? Le temps n’est pas encore venu de baisser les bras. Pour ma part, je m’y refuse.


Et vous, que choisissez-vous ?

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