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La 5G : vers un internet 3.0 ou un capitalisme 4.0 ?

La 5G est un des sujets du moment. Ainsi, la déclaration d’Emmanuel Macron du lundi 14 septembre dernier dans laquelle il dénonçait la volonté de ceux qui veulent « revenir à la lampe à huile » et adopter « le modèle amish » est caractéristique de la volonté de nos dirigeants d’enfoncer la porte de la 5G. Ce discours semble être une réponse à Eric Piole, maire écologiste de Grenoble qui raillait cette nouvelle technologie qui permettrait, selon lui, de « regarder du porno sur votre téléphone, même quand vous êtes dans l'ascenseur, en HD. » En effet, la Convention Citoyenne pour le Climat avait elle-même alerté au travers de la proposition PT (Produire et Travailler) 2.1 de faire de l’innovation pour l’innovation au mépris des enjeux environnementaux.


À ce stade, il me paraissait important d’éclairer le sujet pour réellement savoir de quoi on parle. ARTE (encore) nous apporte un éclairage très clair et concis (6 minutes) dans son reportage « La 5G augmentera l'empreinte écologique du numérique ».


Afin de bien comprendre les enjeux de la mise en oeuvre de cette nouvelle génération de standards pour la téléphonie mobile, il nous faut faire un petit retour en arrière sur l’histoire des technologies numériques.


À la fin du XXème siècle, le grand public voit naître Internet, réseau informatique mondial, et les technologies associées :

  • World Wide Web, espaces accessibles au travers d’un navigateur et reliés entre eux par liens hypertextes

  • Moteurs de recherche

  • Courrier électronique

  • Transferts de fichiers

La proposition française alternative du Minitel est un échec et l’Europe ne prend pas la mesure de la nouvelle ère qui s’annonce. Pourtant, cet Internet 1.0 va transformer nos usages numériques et être à l’origine de nombreuses révolutions techniques (naissance des smartphones, développement de la mobilité, portabilité de la musique et de la vidéo, etc.) La Silicon Valley explose et sème déjà la graine de l’orientation financière colossale qui arrivera quelques années plus tard.


Ainsi, au début du XXIème siècle, c’est le Web 2.0 qui va s’imposer, en apportant toute sa dimension sociale. On parle d’ « Internet des données », le web est devenu une immense plateforme collaborative où l’intelligence collective s’exprime au travers des services (gratuits de prime abord) qui nous semblent indispensables aujourd’hui. L’usage des smartphones explose et avec lui, la géolocalisation, l’échange de données en temps réel et les questions de confidentialités des données. C’est le monde numérique tel que nous le connaissions jusqu’à il y a encore quelques mois.


Aujourd’hui, nous sommes à l’aube de la 3ème version d’Internet. L’IoT, ou Internet des Objets, se propose de ne pas seulement interconnecter les personnes, mais aussi les objets. Au premier coup d’oeil, on ne pense qu’à une révolution domotique mais nous allons voir plus loin qu’il se cache autre chose derrière.


Les standards de transferts de données mobiles suivent logiquement cette évolution (GPRS, 2G, 3G et aujourd’hui 4G) afin de pouvoir acheminer sur nos terminaux mobiles ce qui est accessible depuis chez soi. La 5G paraît donc ici comme une nouvelle technologie qui va permettre de « faire grossir les tuyaux » qui nous acheminent toute la matière nécessaire à notre consommation numérique.


Pas uniquement.


Les promesses sont les suivantes :

  • des débits multipliés par 10 (essentiellement pour les besoins en streaming vidéo)

  • un nombre de connexions simultanées de terminaux multiplié, lui-aussi, par 10

  • mais surtout une latence très faible (de l’ordre de la milliseconde). C’est cette dernière qui va permettre de donner un caractère instantané à l’acheminement des données.

Ces promesses doivent toutefois être pondérées.

  • Les débits ne seront améliorés en réalité que d’un facteur 2 ou 3 car toutes les bandes de fréquence ne seront pas utilisées. Seule celle de 3,5 GHz (celle justement discutée depuis la fin septembre 2020) est en jeu car elle permet la réutilisation des antennes 4G existantes.

  • Les fréquences utilisées par la 5G étant élevées (donc de courte portée et freinée par les murs et les arbres), il est nécessaire d’implanter un très grand nombre d’émetteurs (tous les 200 ou 300m), notamment sur le mobilier urbain.

  • Ces émetteurs sont très gourmands en énergie (entre 2 et 3 fois plus qu’une antenne 4G)

  • Le réseau 5G s’ajoute aux réseaux 2G,3G et 4G existants d’où une consommation électrique des réseaux qui devrait augmenter de 50% en 2025

  • Les objets connectés vont se multiplier (quand on sait que 80% de l’énergie consommée par un smartphone est consommée au moment de sa production)

  • La consommation numérique devrait augmenter de 50% par an (aujourd’hui 80% du trafic internet est consommé par les vidéos et 80% de ces vidéos sont destinées au loisir)


C’est ici qu’apparaît toute l’importance de la latence. En effet, à la croisée de l’évolution des Big Data (cette immense masse de données numériques), l’essor de l’intelligence artificielle, le perfectionnement des batteries et la maîtrise des drones se trouve la mobilité autonome, qu’elle soit roulante (voitures autonomes) ou volante (taxis autonomes). Sur ces véhicules, l’intelligence n’est pas embarquée mais déportée dans le Cloud, ce qui nécessite des temps de latence très courts (il faut que la voiture puisse freiner suffisamment tôt si un piéton traverse subitement la route). La 5G est donc le premier pas vers une nouvelle façon de se déplacer, un déplacement où l’attention du conducteur n’est plus obligatoire. Le temps de sommeil a déjà été raccourci par nos smartphones et par Netflix. Au tour de notre temps passé au volant.


Le marché mondial de l’IoT est déjà estimé à 1100 milliards de dollars, soit 25,2 milliards de connexions en 2025. Mais qu’en est-il de tous les nouveaux services qui vont naître suite à l’avènement du déplacement autonome ?


À l’heure où l’Europe a perdu la souveraineté des données de ses citoyens et a toute les peines du monde à légiférer sur les GAFA, on comprend mieux l’empressement de nos dirigeants à ne surtout pas rater ce nouveau virage de la 5G. Quitte à en ignorer le coût environnemental colossal.

43 vues4 commentaires

4 Comments


AlezzBlezz
AlezzBlezz
Oct 27, 2020

Quelques données chiffrées supplémentaires pour étayer l'article :


https://reporterre.net/La-5G-un-gouffre-energetique-programme

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AlezzBlezz
AlezzBlezz
Oct 14, 2020

@James. Tu as tout à fait raison, cette partie est un peu floue. C'est expliqué très rapidement dans le documentaire d'ARTE (à 2'20'').


En fait, le déploiement va se faire en 2 temps. D'abord, les opérateurs vont s'appuyer la bande des 3,5 GHz pour pouvoir mettre en place les services de base de la 5G en s'appuyant sur l'infrastructure 4G existante. Dans un deuxième temps, afin de pouvoir exploiter tout le potentiel de la 5G (débits et latences élevés) et atteindre les promesses commerciales, ils vont s'appuyer sur une bande haute fréquence de 26 GHz. C'est celle-ci qui va nécessiter de s'équiper en bornes relais car, à cette fréquence, la portée est très réduite et le moindre obstacle (arbre, immeuble…


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VW
VW
Oct 14, 2020

En effet merci AllezBlezz pour cette synthèse très claire. Je comprends mieux pourquoi le temps de la réflexion est en l'occurence un luxe que notre système capitaliste ne peut pas s'offrir... Et constate que les conclusions de la convention citoyenne pour le climat passent par le filtre des intérêts économiques de court terme.

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james
james
Oct 14, 2020

Merci AllezBlezz pour ce post qui permet de se positionner sur la 5G. C est un énième exemple de ce que notre monde neo-libéral sacrifie la dimension environnementale au profit d'un caprice technologique non nécessaire pour au bien-être des êtres vivants. J'ai une question qui montrera sûrement que je n'ai pas tout compris : si la 5 G utilise les fréquences 3,5 GHz utilisées pour la 4 G avec les antennes de celle-ci pourquoi faut-il de nouveaux émetteurs ?

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