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"Démocratiser le travail"

Dernière mise à jour : 20 mai 2020


Cette tribune initiée par trois chercheuses en sociologie, rapidement rejointes par cinq autres chercheuses venues d'autres sciences humaines et publiée il y a deux jours dans 41 journaux de 36 pays (dont Le Monde pour la France) a peut-être déjà retenu votre attention. Elle a été au moment où j'écris signée par 4068 personnes (dont une majorité d'universitaires) à travers le monde.

Dans la forme et au regard de sa diffusion et de sa réception, elle témoigne de cette aspiration collective presque palpable, dont ce blog est un vecteur, à des changements profonds, concrets, immédiats.

Sur le fond, elle m'inspire quelques réflexions que je souhaite modestement vous soumettre.


Les autrices suggèrent "d'émanciper les investisseurs en travail en leur accordant la citoyenneté dans l'entreprise". En clair, de ne plus laisser les décisions sur la trajectoire et les stratégies de l'entreprise aux seuls actionnaires mais de donner voix au chapitre aux travailleurs, notamment dans le choix de la répartition des profits. Cela fait écho je crois à d'autres propositions, dont celles de Muhamad Yunus (Prix Nobel de la paix et initiateur du micro-crédit) dans sa tribune déjà citée ici prônant le développement des entreprises sociales et solidaires, et qui préconisait de systématiquement réinjecter les profits dans l'entreprise. Il me semble en effet naturel que ces profits ne soient plus systématiquement confisqués par les seuls investisseurs en capital.

Elles anticipent en outre comme effet de cette mesure une meilleure participation des entreprises à la transition écologique. Cela me paraît crédible, particulièrement si l'on tient compte du constat selon lequel les entreprises formées à l'écoconception et à l'éco-innovation en ont pour la plupart un retour économique positif. Mais il faudra aussi accélérer cette formation et cette sensibilisation, à mon sens bien plus susceptible d'être efficace sur celles et ceux qui font vivre l'entreprise que sur celles et ceux qui n'en attendent que l'augmentation de la valeur de leur portefeuille boursier.


En revanche, l'une des préconisations de cette tribune m'interroge. C'est celle qui concerne la création d'une Garantie Emploi pour tous. Cette garantie serait laissée à la responsabilité des collectivités locales (tout en étant financée à l'échelle européenne) et permettrait de garantir la dignité de toutes et tous. Je suis pour ma part de plus en plus convaincue que la dignité n'est pas dans "l'emploi". Elle l'est sans doute dans le travail, mais l'emploi me semble trop corrélé à la notion de rentabilité ou de résultats de l'entreprise ou du service employeur. Je ne dis pas que les entreprises ne doivent plus exister ni rechercher la viabilité économique. Je dis seulement que pour certains services et certains biens, justement essentiels à la dignité de ceux qui en bénéficient (le soin, l'alimentation, l'éducation, la justice…) par essence non rentables, ou ne devant surtout pas l'être pour être le plus largement accessibles, l'emploi n'est peut-être pas le bon modèle. Si les services essentiels doivent être garanti par l'Etat et assurés par des fonctionnaires, je crois aussi que tout individu, selon ses compétences et ses envies, devrait pouvoir décider d'exercer une activité lui paraissant socialement juste et utile, quand bien même elle n'est pas rentable. J'en reviens alors au revenu universel, qui me semble être une mesure plus efficace et plus simple à mettre en œuvre que de créer des emplois même artificiellement pour garantir que chacune et chacun en ait un. Je me fourvoie peut-être sur le sens de leur proposition.


Pour finir, il est une idée là encore portée dans cette tribune à laquelle je souscris pleinement. C'est celle qui consiste à conditionner l'aide aux entreprises au respect de normes environnementales strictes et à la démocratisation de leur organisation. Ce sont bien sûr les normes environnementales qui retiennent ici mon attention, en ce que cela procéderait d'un non sens que l'aide d'Etat soit utilisée pour reprendre de plus belle cette course à notre perte. Il semblerait par ailleurs qu'il faille se réjouir du fait que certains gouvernements européens, dont le nôtre, aient affirmé refuser leur aide aux entreprises ayant un siège social dans un paradis fiscal sans y exercer d'activité réelle.

Il nous appartiendra sur ces points d'être toutes et tous vigilants quant au respect par les uns et les autres de leurs promesses.

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